LA PROPHECIE du Roi CHARLES VIII
L'acteur
Ycy finist la prophécie Qu'à mon préambule j'ay toché, Extraicte
d'un' autre copie En latin, où j'ay tout ce croché; Protestant, si
j'estoys reproché D'escripre chose superfluse Où plus ou moins j'auroye
couché A celle copie, je m'excuse. |
S'ensuit l'exercice de ladicte prophécie, et dit
l'acteur :
Or est venu le noble Charles, Vray roy très chrestien
de France, Moult preux et vaillant en fait d'armes, Doulx et plain de
bénigvolence; Fontaine il est de sapience, Et c'est cestui, comme je
croy, Qui doit aller par sa vaillance Contre les Turcs pour nostre
foy.
Quant Jhésus nasquit, aux troys roys , L'estoille parut de
déité; Ny plus ny moins au roy françoys Parut le don de divinité ; A ce
roy, à sa nativité, L'estoille parut à merveil Et de là vindrent, en
vérité, Les escuz qui sont au soleil.
Mil quatre cens quatre vingts
quatre Vingtehuitiesme jour de may, A Reins m'en allay pour
m'esbatre, Esveillé com ung papegay; Quant fuz illecques,
m'informay Que le roy avoit quato[r]ze ans; Cy dit la prophécie vray
; Couronné fut g'y fuz présans, Charles huitiesme est de ce
nom, Extraict des nobles fleurs de lis, Filz légitime, bien savon, Et
naturel du roy Loys Lequel a ses haultes sourciz, Le front long et le nez
agu, Les yeulx longuetz ; à mon advis La prophécie a vray tenu.
Et
à son dixeseptiesme an, Son host mena à Boghancy Où aucuns princes de son
sang , Bénignement print à mercy ; II leur pardonna ceste cy. |
Dieu doint la malédiction A ceuls qui noz princes
ainsi Plus mectront en division.
L'an dixehuitiesme,
autrefoys Aucuns des grans princes françoys, Du nom desquelz je me
desporte, En firent un' autre plus forte.
Et s'en allarent en
Bretaigne, Et là, de vray, mainte chastaigne, Après tout y laissa la
pel. Mais le roy encor de nouvel, Quant il les eust pour
prisonniers, Autre foys de franc cueur entiers Bénignement leur
pardonna. Ainsi est advenu desjà Ce que disoit la prophécie; Nous
l'avons veu de nostre vie.
Et quant au vingtequatriesme an, Vous
voyez le grant excercice D'armes, son ban, arrière ban, Qu'il a commencé
bien propice. Les princes ont laissé malice Et sont réduiz à bonne
amour; Féaulx seront, quoique l'on disse,
A nostre roy de jour en
jour. Jusques ycy avons tout veu Ce que nous dit la prophécie, J'espère
en Dieu le résidu Veoir acomplir, quoy qu'ai .die. Prions Dieu, la Vierge
Marie, Qu'à nostre bon roy, de leur grâce, Ly donnent si très longue
vie, Affin que toute la parface.
O Dieu qui tractas par
compaigne Sur toute créature humaine, Anne, duchesse de Bretaigne, Au
roy de France necte, sayne; |